Le VIH est un résistant, au grand malheur des patients. Parlez-en à tous les chercheurs qui tentent de le mettre en échec depuis maintenant 35 ans. Mouvant, furtif, changeant, le virus est aussi difficile à éradiquer d’un organisme que la poussière dans une maison : ça revient toujours.
La force de ce virus réside dans son taux de mutation très élevé. Chaque fois qu’un virus entre dans une cellule pour l’infecter, il l’utilise pour produire plusieurs clones de lui-même. Mais le processus de recopie est imparfait et les modifications génétiques sont fréquentes. Si la plupart de ces mutations génèrent des virus non fonctionnels, elles font parfois émerger une nouvelle « version » du virus. Et ce nouveau variant peut être résistant au médicament auquel la souche initiale était vulnérable…
Et comme le VIH peut engendrer un très grand nombre de nouvelles unités en peu de temps – un seul virus peut avoir 10 000 descendants en 24 heures – les malades finissent rapidement par héberger plusieurs variantes du virus. Et elles ne sont pas toutes sensibles aux mêmes médicaments.
« À cause de ces erreurs de réplications, il peut y avoir 15 à 20 variants génétiques chez un même patient, explique Michel Roger, médecin, microbiologiste et infectiologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal. C’est la raison pour laquelle on traite cette maladie avec plusieurs médicaments en même temps. La trithérapie par exemple, permet d’attaquer le VIH sur plusieurs fronts en même temps. »
C’est ce qui explique qu’un malade chez qui la maladie est contrôlée peut soudainement connaître une poussée de charge virale : une variante résistante au traitement est apparue et a repris le dessus.
C’est là qu’entre en jeu la pharmacogénétique. L’idée consiste à prélever un échantillon sanguin du patient afin de mener des analyses génétiques sur le virus et repérer tous les variants présents. « On séquence quatre gènes sur la quinzaine que compte le VIH et on prédit la résistance à partir des variations génétiques repérées, » explique Michel Roger.
Les méthodes traditionnelles pour faire ces analyses n’étaient pas très performantes. « On arrivait à trouver tous les variants dont l’abondance dépassait 20 % des virus présents, continue le chercheur. Mais un virus représentant seulement 5 % de la charge virale passait totalement inaperçu et on ne pouvait en tenir compte dans l’ajustement de la médication. Mais voilà que des méthodes de séquençage de nouvelle génération vont ramener ce seuil à seulement 1%. Il sera beaucoup plus difficile pour une souche virale de passer «sous le radar». »
Ces travaux de recherche sont menés par Richard Harrigan, de l’Université de la Colombie-Britannique. Les tests sont menés entre autres ici, à Montréal.
« Nos tests portent sur le tropisme du virus, spécifie Michel Roger. Nous savons que certaines souches virales, mais pas toutes, utilisent un certain récepteur à la surface des cellules pour y entrer. Il existe justement des médicaments qui viennent se fixer sur ces récepteurs pour les rendre hors de portée du VIH. Mais ces médicaments entraînent de lourds effets secondaires. En menant des tests génétiques précis sur les virus, on s’assure qu’on a bien affaire à une souche qui utilise le récepteur et qu’on n’administre pas ce médicament pour rien. »
Le VIH est un résistant, mais un jour, toute résistance sera futile.