C’est petit, une cellule. Et pourtant, ça a la complexité d’une métropole, avec ses quartiers spécialisés et ses axes de transport, le long desquels transitent des protéines, des nutriments, des bouts d’ARN, etc.
À l’Institut de recherches cliniques de Montréal, Éric Lécuyer s’intéresse spécifiquement au transport des ARN dans les cellules. L’ARN, ou acide ribonucléique, ressemble à son frère l’ADN : il s’agit d’une molécule longiligne constituée d’un enchaînement de petites molécules appelées nucléotides. Au cœur de la cellule, dans le noyau, se trouvent les longs filaments de l’ADN. C’est le support de l’information génétique et lorsque la cellule a besoin de cette information, une section d’ADN est photocopiée (on dit plutôt transcrite), ce qui donne un brin d’ARN qui peut sortir du noyau et être livré ailleurs dans la cellule.
« Cet ARN a une mission, explique Éric Lécuyer. Il doit se rendre à un endroit précis de la cellule pour l’accomplir. Dans la séquence de nucléotides d’une molécule d’ARN, une section sert à assurer une livraison à bon port, c’est une espèce de code postal qui peut être reconnu par différentes structures et qui permet au trafic de l’ARN de se rendre exactement où il le faut. »
Par des techniques d’imagerie à haute résolution et de génomique fonctionnelle, le biologiste moléculaire et son équipe sont en train de dévoiler les mécanismes moléculaires qui contrôlent le ciblage des ARN et leur impact sur l’organisation cellulaire. Lorsque le système des « codes postaux » sera bien compris, on pourra l’utiliser pour cibler précisément l’endroit où des molécules thérapeutiques doivent agir.
Ces connaissances pourraient servir dans le traitement de maladies génétiques. « Prenez la dystrophie myotonique, dont la prévalence est élevée au Saguenay Lac-Saint-Jean, donne en exemple le chercheur. Nous savons qu’elle est due à la formation d’ARN aberrant qui s’accumule en grappes dans le noyau cellulaire et qui entraîne des perturbations. En connaissant précisément le «code postal» de cette région du noyau, on pourrait designer une molécule thérapeutique afin qu’elle se rende précisément à cet endroit pour régler le problème. » De la même façon, d’autres molécules pourraient être dirigées dans les mitochondries, dans l’appareil de Golgi, etc.
En rupture avec les approches plus traditionnelles, de telles livraisons de médicaments dans les cellules pourraient être le premier vrai grand pas vers la guérison des grands maux de l’homme, comme l’Alzheimer, le Parkinson, les scléroses, etc. Suffira de connaître le bon code postal.