Un outil génétique pourrait grandement aider à protéger le caribou, espèce faunique emblématique du Québec, dont les populations sont en déclin
Au Québec, la situation des caribous est préoccupante et fait l’objet d’efforts de conservation. Pour préserver l’espèce en la surveillant de manière plus efficace, des chercheurs et biologistes de l’Université Laval et du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFP) unissent leur expertise pour développer une puce à ADN pour le caribou.
C’est chez le caribou migrateur, qui vit surtout dans le nord du Québec, que l’on note la plus forte et récente baisse démographique. Le troupeau de la rivière George est passé de 823 000 en 1993 à 8 900 en 2016 tandis que celui de la rivière aux Feuilles a chuté d’environ 600 000 à 181 000 entre 2001 et 2016. Trois types de caribous (appelés écotypes) occupent le territoire québécois : migrateur, forestier et montagnard. Ils se distinguent par leur comportement et leur écologie, mais il est impossible de les reconnaître par leurs caractères physiques.
Qu’est-ce que la puce à ADN?
La puce à ADN, aussi appelée biopuce, ressemble à une petite lamelle de microscope (en verre, en silicium ou en plastique) qui renferme des bouts d’ADN d’une espèce. Lorsqu’on soumet un échantillon à cet outil génétique, il peut discerner si celui-ci contient l’espèce recherchée. Dans ce cas-ci, la puce à ADN pourra distinguer les trois écotypes de caribou en facilitant le travail des agents de conservation de la faune.
« Ce qui est nouveau dans notre projet, c’est qu’il n’existe pas encore de biopuce pour le caribou. D’ailleurs, il y en a très peu pour les animaux sauvages, alors que cette technologie est utilisée depuis fort longtemps pour l’humain, la souris ou les animaux d’élevage », souligne Claude Robert, chercheur au département des sciences animales de l’Université Laval.
Pour que cette puce soit efficace, les chercheurs s’affairent donc à déterminer des régions d’ADN uniques à chaque écotype de caribous. Ce processus est en cours et devrait se terminer en avril 2019. « On trouvera sûrement des millions de différences entre les caribous de chaque groupe. Le défi est alors de choisir la signature génétique propre à chacune », ajoute Claude Robert.
L’équipe travaille également au développement d’un portail web qui facilitera l’interprétation des résultats obtenus grâce à la puce. « Les biologistes pourront télécharger les données générées par l’outil et ensuite les transmettre à notre site web, qui s’occupera de l’analyse génétique », décrit Claude Robert. Il sera ainsi possible de connaître l’origine et la diversité génétique de chaque échantillon. Cet ensemble de données fournira un portrait précis de la situation du caribou. Un millier d’échantillons, récoltés par le MFFP depuis le début des années 2000 et déjà répertoriés, contribueront au développement de la puce.
« Cela nous permettra de prendre un simple morceau de chair, de poil ou de peau de l’animal et d’utiliser la puce pour identifier son écotype. L’outil aidera grandement dans plusieurs aspects de notre travail au niveau de la protection, de la gestion et de la conservation des différents groupes de caribou du Québec », explique Joëlle Taillon, biologiste et chercheuse responsable de la recherche sur les trois écotypes de caribou au MFFP.
La technologie viendra compléter la gamme d’outils déjà en place pour faire le suivi des populations de caribou.
Puce à ADN au service de la justice
La puce à ADN pour le caribou devrait être mise sur le marché en avril 2020. Déjà, les chercheurs du MFFP voient le potentiel de cet outil, qui servira à identifier les caribous, mais aussi à appuyer les agents de la protection de la faune lors de leurs enquêtes. Les informations obtenues avec la biopuce pourraient notamment être utilisées comme élément de preuve lors de procès pour braconnage. En effet, le caribou forestier et le caribou montagnard, par exemple, ont un statut de protection légale différent au Québec, d’où l’importance de bien identifier le groupe auquel un animal appartient.
« Lorsqu’ils interviennent sur un site d’abattage, les agents de protection de la faune trouvent parfois une carcasse entière, mais souvent, ils trouvent une partie de la carcasse ou seulement des traces de poil ou de sang. C’est à ce moment qu’il devient nécessaire d’établir avec certitude l’écotype du caribou, car les lois et règlements changent en fonction de l’écotype », indique Vicky Albert, biologiste et responsable du laboratoire d’expertise biolégale du MFFP.
Les caribous étant également présents dans différentes régions arctiques d’Europe et de Russie, le chercheur Claude Robert souhaite permettre à des biologistes étrangers d’utiliser la puce à ADN pour protéger le caribou sur leur territoire.