Une invasion d’algues bleu-vert sur les abords d’un lac, ça ressemble un peu à un potage au brocoli – sauf que c’est potentiellement toxique.

Lorsqu’elles se mettent à proliférer dans les plans d’eau, les cyanobactéries (mieux connu sous l’appellation algues bleu-vert) sont un véritable cauchemar pour les gestionnaires des municipalités. Invisibles à l’œil nu, ces petits êtres unicellulaires ont la fâcheuse habitude de produire, sous certaines conditions, des toxines – appelées cyanotoxines – qui s’accumulent dans l’eau. En grande quantité, ces composés naturels peuvent être dangereux, causer des intoxications ou la mort si on les ingère ou des problèmes de peau si on s’y baigne. Ils présentent des menaces pour les humains, mais aussi pour le bétail, les poissons et toute la faune. 


« Mais ce n’est pas toujours le cas, car toutes les cyanobactéries ne s’équivalent pas, nuance Sébastien Sauvé. Ce nom regroupe une centaine de souches différentes qui n’ont pas toutes le même degré de toxicité. La moitié d’entre elles sont encore très peu connues. »

Professeur de chimie analytique environnementale à l’Université de Montréal, Sébastien Sauvé connaît bien ces petites algues microscopiques. Il est le chercheur principal du projet ATRAPP (pour Algal Blooms, Treatment, Risk Assessment, Prediction and Prevention Through Genomics), une initiative de recherche qui vise à permettre une meilleure compréhension des cyanobactéries, de leur identification et de leurs modes de propagation. 

 
Les cyanobactéries vivent dans tous les lacs du monde, mais elles s’y trouvent normalement en quantités trop faibles pour causer des problèmes. C’est lorsqu’elles se multiplient de façon effrénée qu’on peut voir apparaître à la surface de l’eau cette couche verdâtre qui leur a valu leur nom. La situation se produit lorsque les eaux se réchauffent et/ou qu’elles sont enrichies par des phosphates provenant de terres agricoles ou d’eaux usées mal traitées; des conditions idéales pour la reproduction des cyanobactéries. On considère que l’eau est impropre à la consommation lorsqu’on compte plus de 20 000 cyanobactéries par millilitre d’eau.

Mais lorsqu’une éclosion survient, comment savoir à quelle souche de cyanobactéries on a affaire? Pour le moment, il est impossible de le dire. Dans le doute, une municipalité ne prend normalement aucun risque et sort l’artillerie lourde : interdiction de baignade, interdiction de consommation, approvisionnement alternatif en eau, procédés très coûteux dans les usines de traitement d’eau potable… Des mesures qui entraînent des coûts élevés. Rien qu’aux États-Unis, c’est 825 millions de dollars de dépenses annuelles que les problèmes de cyanobactéries entraînent.

Le projet ATRAPP offrira des solutions aux gestionnaires municipaux. Les chercheurs vont décoder le bagage génétique des souches de cyanobactéries pour documenter leurs particularités. Quels gènes sont corrélés avec la production de quelles toxines? Comment s’expriment-ils avant et pendant la prolifération? Dans quelles conditions?

Par leurs résultats, les chercheurs définiront de nouveaux marqueurs biologiques qui, comme des cartes d’identité, permettront de reconnaître la ou les souches de cyanobactéries en cause par des tests rapides. À terme, ils pourront fournir aux municipalités une boîte à outils combinant chimie et génomique afin de déterminer rapidement les risques de toxicité, et de faciliter la prévention et le traitement des épisodes de prolifération nuisible.

Concrètement, lors d’une éclosion, il sera possible de prélever un échantillon et de mener un test rapide : en quelques heures, on saura à quelle souche d’algues on a affaire et s’il est nécessaire de lancer des contremesures massives ou non.


À plus long terme, le projet ATRAPP proposera aussi de nouvelles façons moins coûteuses d’agir lorsque les proliférations surviennent, de même que des stratégies de prévention rentables à long terme, car avec ces algues comme partout, il vaut mieux prévenir que guérir.

Atr

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