Dans le domaine des nouvelles sur la santé, le mot Salmonella provoque une grimace immédiate chez les membres d’un public largement familiarisé avec ses symptômes de perturbation intestinale et sa facilité de transmission. Mais grâce aux innovations génomiques en microbiologie et à la recherche sur les agents pathogènes d’origine alimentaire, il y a maintenant de bonnes nouvelles à propos de Salmonella.

Chaque année, on dénombre environ 93 millions de cas de maladie attribuables à Salmonella et 150 000 décès dans le monde. La bactérie infecte 88 000 Canadiens par an, ce qui coûte un milliard de dollars chaque année à l’économie canadienne. Les professeurs Lawrence Goodridge, de l’Université McGill, et Roger C. Levesque, de l’Institut de biologie intégrative et des systèmes de l’Université Laval, dirigent une équipe internationale de 30 chercheurs qui effectuent le séquençage des génomes de 4 500 souches de Salmonella partout dans le monde.

Se fondant sur l’information révélée par le séquençage, ils mettent au point des approches de lutte biologique pour réduire la présence de Salmonella sur les fruits et légumes avant de les récolter; créer de nouveaux tests pour améliorer la rapidité et l’efficacité de la détection de Salmonella sur les fruits et légumes frais avant qu’ils ne soient vendus aux consommateurs et améliorer les méthodes de suivi des sources de contamination pendant les éclosions. Les innovations dans la détection de l’origine des contaminations permettent d’améliorer le procédé d’électrophorèse en champ pulsé (ECP), actuellement utilisé pour la surveillance de Salmonella, de sorte que les aliments contaminés peuvent être retirés plus rapidement des épiceries et des restaurants, ce qui aide à réduire l’ampleur et la durée des épidémies, ainsi que la souffrance et le coût économique occasionnés par cette infection.

« L’ancien procédé d’ECP était aussi efficace que de regarder le sol depuis un hublot d’avion à 10 000 pieds d’altitude, explique le professeur Goodridge. Il n’était souvent pas assez sensible pour distinguer des isolats de Salmonella étroitement apparentés, ce qui empêchait de déterminer la source d’une épidémie. En revanche, la science génomique équivaut à regarder la page d’un livre à travers une loupe. »

Le projet, officiellement appelé Une approche «systomique» pour assurer la salubrité alimentaire et réduire le fardeau économique de la salmonellose, constitue un modèle pour la recherche du 21e siècle, qui exploite maintenant la génomique pour trouver des réponses qui seraient autrement encore cachées. L’équipe a déjà séquencé environ 3 000 isolats de Salmonella provenant de 22 pays.

Une des forces de ce projet est l’élaboration d’applications pratiques développées à partir des données génomiques. Par exemple, la méthode de lutte biologique contre Salmonella sur les fruits et légumes repose sur l’utilisation de bactériophages (virus naturels qui se multiplient dans les bactéries et infectent par l’intermédiaire de celles-ci). Son utilisation est de plus en plus considérée comme une solution de rechange naturelle à l’utilisation de produits chimiques de synthèse, comme les pesticides. Dans le domaine des analyses diagnostiques, un nouveau test basé sur la génomique pour confirmer la présence de Salmonella sur les produits frais (et d’autres aliments), est en cours de développement. Ce nouveau test fournira non seulement des informations sur le type de Salmonella (sérovar ou sérotype) détecté, mais permettra également de révéler la présence de gènes conférant une résistance aux antibiotiques et d’obtenir des informations sur le risque que le type de Salmonella.

De plus, l’équipe a collaboré avec l’Agence de la santé publique du Canada pour valider l’utilisation du séquençage du génome entier (la cartographie du génome entier d’un organisme unique) comme une approche plus spécifique pour identifier les sources alimentaires associées aux éclosions de salmonellose. Les chercheurs ont fait des progrès significatifs en matière de développement et de validation de quatre approches différentes, mais complémentaires, de séquençage du génome entier, lesquelles pourront être utilisées lors d’enquêtes sur des éclosions de maladies d’origine alimentaire.

Comme beaucoup de travaux de recherche, ce projet a conduit à des découvertes inattendues. Le dogme scientifique classique voulait que tous les sérovars de Salmonella soient capables de provoquer une maladie chez l’humain. Au contraire,  les chercheurs ont découvert que seules quelques souches causent systématiquement la plupart des maladies attribuables à Salmonella chez les humains, ce qui suggère que les sérovars de Salmonella ne sont pas tous pathogènes pour l’humain. « En utilisant plusieurs modèles, nous avons compilé des informations sur chaque souche de Salmonella, qui ont fourni des preuves que ce ne sont pas tous les sérovars de Salmonella qui causent une maladie chez les humains, signale le professeur Goodridge. Cette information sera utilisée pour développer la prochaine génération de tests diagnostiques et pour améliorer les évaluations des risques liés aux aliments. »

Il s’agit de l’une des nouvelles découvertes majeures sur Salmonella depuis que le chercheur américain Theobald Smith a isolé la bactérie pour la première fois en 1885 et l’a nommée en l’honneur de son superviseur, vétérinaire et pionnier de la salubrité alimentaire, Daniel Salmon.